La fin d’une légende
Muhammad Ali s’est éteint le 4 juin 2016. Nous sommes tous orphelins. Il se proclamait «le plus grand». Et, de fait, il l’était. Peu de champions ont laissé une empreinte si profonde dans l’histoire du sport que Muhammad Ali. Peu de sportifs se sont engagés avec une telle force de conviction dans la défense de leurs idées et d’un idéal du monde – ce qui lui valut d’être déchu de son titre, privé de son passeport et lui coûta les plus belles années de sa carrière. Il fut à la fois le plus célèbre boxeur professionnel de l’histoire et un grandiloquent porte-voix de la cause des Noirs américains, de l’islam et du Tiers Monde.
Muhammad Ali révolutionna l’approche pugilistique chez les poids lourds. Alors que, dans cette catégorie, la puissance et la masse semblaient les seuls gages de réussite, il imposa de nouveaux canons: il tournoyait sans cesse sur le ring, épuisant son adversaire, maintenait ses bras le long du corps plutôt que de protéger son visage, semblant offrir sa face aux coups, pour mieux contrer son rival. «Je vole comme un papillon, je pique comme une abeille», déclamait-il. Cette phrase résume son style, tout en mouvement et en changements de rythme.
Avec Muhammad Ali, le centre de gravité du boxing business se déplaça des États-Unis vers le Tiers Monde, du Madison Square Garden de New York vers Kinshasa et Manille. Au grand dam de l’Amérique bien-pensante des années 1960 et 1970, il épousa l’islam, refusa d’aller au Vietnam «faire la guerre des Blancs». En retour, ses supporters se nommaient Gamal Abdel-Nasser, Kwame Nkrumah, Elijah Muhammad ou Malcolm X…
Muhammad Ali conquit 3 fois le titre mondial des lourds (en 1964 contre Sonny Liston, en 1974 face à George Foreman, en 1978 contre Leon Spinks) et le défendit victorieusement à 19 reprises. Il disputa 61 combats chez les professionnels, et en remporta 56.
Ali appartient aussi à l’histoire olympique
On l’oublie, mais Ali fut aussi présent sur la scène olympique. Déjà, aux Jeux de Rome en 1960, celui qui se nommait encore Cassius Clay remporta la médaille d’or, dans la catégorie des mi-lourds. En finale, il domina le Polonais Zbigniew Pietrzykowski: employant une stratégie qui le rendra célèbre, il exécuta une sorte de danse autour de son adversaire pendant les deux premiers rounds, avant de le rouer de coups lors du troisième et dernier. La légende dit que, devant le peu de considération dont lui et ses frères de couleur bénéficiaient aux États-Unis, il jeta sa médaille dans la rivière Ohio. L’histoire est fausse (Ali avouera plus tard l’avoir égarée…), mais elle s’inscrit comme une vérité tant elle colle à son image. Puis, en 1996, il eut l’honneur d’embraser la vasque olympique lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux d’Atlanta. L’Amérique rendait un juste hommage à un homme qu’elle avait naguère honni…
©Pierre LAGRUE
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.