Écrivains mystérieux
Dans le cadre des Jeux Olympiques de Stockholm, en 1912, une idée chère à Pierre de Coubertin fut mise en œuvre: pour la première fois, des «concours d’art et de littérature» (architecture, sculpture, peinture et musique) furent organisés, et ce malgré l’hostilité des organisateurs suédois. De ce fait, la participation s’avéra maigre: seuls 33 artistes et écrivains s’inscrivirent. En littérature, le jury fut séduit par l’Ode au sport, un poème en prose de neuf strophes, texte bilingue français-allemand, signé de MM. Hohrod et Eschbach. Ce texte court mettait en valeur les vertus du sport («Tu es la Beauté! Tu es la Justice! Tu es l’Audace! Tu es l’Honneur! Tu es la Joie! Tu es la Fécondité! Tu es le Progrès!»…). Surtout, le fait qu’il fût publié en version bilingue, ce qui n’est pas anecdotique au regard des tensions politiques du moment entre la France et l’Allemagne, lui sembla relever de l’idéal olympique. Mais personne ne connaissait les lauréats: qui étaient MM. Hohrod et Eschbach? En fait, il s’avéra que MM. Hohrod et Eschbach n’étaient qu’une seule et même personne, et que sous ce double pseudonyme se cachait Pierre de Coubertin lui-même, auteur de ce poème, qui avait souhaité concourir de manière anonyme, afin de ne pas influencer le jury. Pierre de Coubertin fut donc le premier médaillé d’or dans la catégorie littérature. On note que le jury n’accorda ni médaille d’argent ni médaille de bronze. Coubertin sauva en quelque sorte les «concours d’art et de littérature» qui lui tenaient à cœur de la déroute immédiate.
©Pierre LAGRUE